Un garde-faune auxiliaire a vu deux loups ensemble entre le Marchairuz et la Givrine. Il s’agit probablement d’un couple. Va-t-il générer des louveteaux et former une meute?

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Un des deux loups a été pris en photo à la Côte Malherbe, vers Saint-Georges, le 17 décembre 2017.

On reparle du loup dans les bistrots. On raconte qu’il y en a plusieurs qui rôdent dans le Parc Jura vaudois, entre Le Noirmont, au-dessus d’Arzier, et le Marchairuz. Au vu des dégâts causés à son troupeau, le moutonnier du Creux du Croue estime que ça ne peut pas être l’œuvre d’un seul prédateur. La version officielle du représentant de l’État de Vaud, Frédéric Hofmann, chef de la Section chasse, pêche et surveillance, se limite aux preuves objectives. «Un garde-faune assermenté a observé deux individus ensemble, mais on n’a génétiquement pu identifier qu’un seul animal, une louve.»


L’éditorial: Le loup est un loup pour le loup


Du côté de KORA, l’association qui s’occupe du monitoring du loup en Suisse, Fridolin Zimmermann confirme qu’il n’y a pas la preuve de l’existence d’une meute, mais que deux loups ont bien été vus ensemble. «S’il y avait eu des louveteaux, on les aurait détectés notamment grâce aux nombreux pièges photos placés dans la région, assure-t-il. En revanche, deux loups ont été observés près du Mont-Sâla, entre la Givrine et le Marchairuz, le 23 octobre 2017, par des surveillants auxiliaires de la faune. Et on a la trace génétique d’une femelle, F19, identifiée vers Arzier en septembre 2016. Il y a donc pas mal de chances qu’on ait affaire à un couple, car il est rare que deux mâles soient ensemble.»

Selon ces observations, on peut donc exclure la présence d’une meute de grands méchants loups affamés, et privilégier l’histoire d’une rencontre amoureuse. La question, prise très au sérieux par le Service de la faune du Canton de Vaud, est de savoir si le couple va engendrer une descendance ce printemps, et dès lors, former une meute (le couple reproducteur élève des louveteaux chaque année, et cette progéniture reste généralement dans la meute pendant dix à cinquante-quatre mois avant de se disperser).

Le loup peut être un allié

«Ce n’est qu’une éventualité, car on sait qu’ils prennent le temps de se fréquenter avant de s’accoupler, mais on ne veut pas se laisser surprendre, raison pour laquelle nous suivons attentivement l’évolution de ces individus», précise Frédéric Hofmann. Sur le terrain, tout indice révélant leur présence est analysé. En 2017, de nombreuses proies d’animaux sauvages ont été victimes de ces carnivores. Selon le chef de section de l’État, entre quatre et six cerfs, un sanglier et un chevreuil ont été recensés.

«Le loup joue un rôle dans la régulation de ces populations. Le cerf, par exemple, occasionne beaucoup de dégâts aux forêts. Dans un tel cas, le loup se révèle être un allié», estime Frédéric Hofmann. La dernière image du canidé a été prise par un piège photo au-dessus de Gimel le 24 mars 2018.

Jusqu’en 2016, on estime qu’il n’y a eu que des loups en transit dans le Jura vaudois. On se souvient de M38, qui avait croqué un chamois aux Charbonnières, à la Vallée, puis d’un autre individu, non identifié, qui avait tué deux biches près du Chenit et au bord de l’Orbe en mai 2016. Désormais, il est probable que le couple occupe durablement un territoire. Et ce sera assurément le cas s’il donne naissance à des louveteaux et que la meute s’agrandit année après année. Raison pour laquelle la Direction générale de l’environnement est en train de prendre des mesures de prévention, pour pallier les éventuels dégâts et maintenir le dialogue avec les éleveurs de moutons et de bovins.

«On sait que le loup est présent, potentiellement de manière durable, poursuit Frédéric Hofmann. On va donc identifier les zones à risque, savoir d’où vient le danger, puis dialoguer avec les éleveurs pour mieux comprendre le fonctionnement des alpages et le comportement des troupeaux. Nous ne voulons pas nous limiter à verser des indemnités. Nous prendrons des mesures de protection, si elles se révèlent adaptées, afin de faire coexister le prédateur avec les activités humaines. Pour y parvenir, nous souhaitons collaborer avec Jean-Marc Landry, un grand spécialiste du loup et du système pastoral.»