Revirement dans la gestion des prédateurs. Après s’être opposé mordicus aux tirs de meutes entières, Vaud cible une meute «problématique».

Après avoir ciblé pendant des années un loup ou des louveteaux en particulier, opérant une régulation du prédateur façon frappe chirurgicale, l’État de Vaud revient à la battue.

Vendredi, l’OFEV rendait public la liste des demandes déposées par les Cantons en vue de la nouvelle campagne de «régulation préventive» de l’hiver prochain. En 2023, les services d’Albert Rösti utilisaient une ordonnance temporaire, appliquant de manière anticipée, urgente, – et surprise – la nouvelle loi sur la chasse. Cet hiver, c’est une version revue, définitive, qui servira à appuyer sur la détente. Le but: faire baisser les populations de loups en vue de la prochaine saison d’estive.

Le Tessin demande de viser, partiellement, trois meutes. Le Valais demande à l’OFEV d’abattre totalement quatre meutes. Les Grisons veulent tirer sur deux tiers de toutes les nouvelles portées ainsi qu’une meute entière, au Vorab. S’y ajoute le Canton de Vaud, qui a demandé, le 14 août dernier, d’abattre la totalité de la meute du Mont-Tendre. À ce jour sept individus, dont le couple reproducteur et la dernière portée de trois louveteaux.

C’est une revendication de longue date de la droite parlementaire et des milieux agricoles. Elle figurait notamment au programme de rentrée du PLR vaudois. Cette semaine encore, Prometerre en faisait la demande formelle au Département de la jeunesse, de l’environnement et de la sécurité (DJES)… soit deux semaines après qu’elle ait déjà été déposée et déjà transmises aux milieux autorisés. «S’il y avait eu autre chose que des fuites, la nouvelle aurait déjà rassuré les éleveurs cet été, s’agace le député PLR Loïc Bardet. Mais sur le fond, c’est une étape importante. Espérons que les auxiliaires des gardes faune puissent être autorisés à y participer. Dans d’autres cantons, les chasseurs participent et assurent une plus grande efficacité.»

Une autorisation de tir sur deux louveteaux avait été octroyée du 26 juillet au 31 août. Sans résultats.

La meute du Mont-Tendre s’est formée en 2023, avec un mâle venu d’Europe centrale – porteur, se réjouissent les biologistes, d’un nouveau patrimoine génétique – et une femelle issue du Marchairuz. Elle s’est rapidement signalée par des activités et des prédations accrues, jusqu’aux villages de La Côte. Cet été, une succession d’attaques répétées sur des veaux ou de jeunes bovins a mis les éleveurs du Jura vaudois en émoi, tandis que des biologistes tentaient de la suivre par GPS.

Mais jusqu’ici, le Canton avait toujours refusé d’appliquer «l’ordonnance Rösti». Citant des indications données par l’OFEV et la façon précise de compter le nombre de meutes sur le territoire. Le contingent du Jura, allant de Genève à Bâle, ne devant pas tomber en dessous de deux meutes et les meutes transfrontalières ne pouvant pas être abattues, faute de coordination avec l’État voisin.

Une nouvelle meute?

Qu’est-ce qui a changé? «Le nombre de prédations particulièrement important constatées sur le territoire de cette meute, et ce, malgré les actions de régulation partielle menées jusqu’ici (deux décisions de tir ayant mené au prélèvement de trois jeunes nés en 2023)», nous écrit le Département. «Il s’agit d’une meute particulièrement problématique, contrairement à d’autres meutes présentes sur le territoire: elle est responsable, à notre connaissance, de trois quarts des attaques dans le Jura vaudois.» Soit hier, selon les chiffres officiels, quelque 27 bêtes cette année, contre 34 l’an dernier à la même date.

Surtout, se basant sur des vidéos du KORA, le Canton considère désormais comme «transfrontalière» la meute établie dans la vallée française de la Valserine. Déjà active des deux côtés de la frontière en 2023, elle serait à l’origine d’attaques à Saint-Cergue – ce dont certains biologistes doutent encore. Assez pour faire passer le nombre de meutes utilisant le territoire vaudois à cinq, ont jugé la coordination intercantonale, et donc pour demander une régulation complète à l’OFEV.

En coulisse, c’est une décision qui catastrophe déjà les spécialistes du loup. Si elle est réellement appliquée. «On ne comprend déjà pas ce qui se passe cette année, note un proche du dossier. C’est l’enfer pour avoir des chiens de protection, il y a une pression folle pour laisser de côté la protection des alpages et passer aux tirs. Les pièges photos ont été réorientés en vue de la régulation de la meute et du coup les informations manquent… Le problème, c’est surtout ça: ces tirs risquent de semer une pagaille comme on n’en a jamais vu.»

«Gérer le loup sur Excel»

Dans tous les cas un sacré revirement des services du conseiller d’État Vassilis Venizelos. En juin, ils jugeaient encore sévèrement les critères de la nouvelle ordonnance sur la chasse, à en croire la réponse à la consultation fédérale que nous avons pu consulter.

A-t-il cédé aux pressions, l’édile écologiste? «Cette décision de régulation ne doit pas être un oreiller de paresse», écrit-il. «Si nous voulons la cohabitation, il faut certes miser sur la régulation, mais aussi continuer à investir dans la protection et le monitoring. Je reste néanmoins sceptique quant à une approche exclusivement arithmétique qui voudrait gérer le loup avec une feuille Excel: c’est bien le comportement problématique d’une meute qui doit être pris en compte, et non le nombre maximal de meutes sur un territoire donné.»