Alors que les prédations semblent en baisse dans les alpages du Jura vaudois, deux tirs sont ordonnés sur la meute du Mont-Tendre. Les opposants veulent remonter sur le terrain.
Erwan Le Bec 24 heures
La saison des affûts va reprendre dans le Jura vaudois. Depuis vendredi dernier, les gardes-faune de l’État sont en droit de tirer sur deux louveteaux de la meute du Mont-Tendre, sur les trois de la portée 2024, la seule des meutes du canton officiellement identifiée à ce jour. L’effet suspensif est levé et l’autorisation court jusqu’au 31 août.
Nouveauté qui découle de la dernière version de l’ordonnance sur la chasse, l’OFEV (Office fédéral de l’environnement) demande cette fois de cibler les jeunes loups autour des alpages concernés par les dernières attaques: La Lande Dessus au Chenit, le Petit Cunay à Bière et le Sapelet Dessous à L’Abbaye. Alors que l’État avait été jusqu’à restreindre la diffusion des cartes des derniers tirs, les militants proloups connaissent ainsi le périmètre précis que vise le corps de police faune-nature.
Baisse des chiffres
De quoi promettre de nouveaux moments de tensions en altitude: mardi, les opposants de Defend The Wolf se préparent déjà à retourner s’interposer. «Ce sont des tirs arbitraires, répète Fabrice Monnet. Le loup a clairement changé de comportement. Il évite certains passages, les meutes sont plus tranquilles ils ont appris à éviter les activités humaines. Le problème reste les troupeaux qui ne sont pas assez protégés, pas des louveteaux qui viennent de naître.»
«Plus tranquilles» les meutes? Oui et non. Un regard détaillé sur les chiffres officiels des prédations montre que si les victimes du loup augmentent fortement en plaine, du fait de M121 ce printemps, le bilan à mi-saison est effectivement en baisse en altitude. À la même période en 2022, 25 bêtes avaient été blessées, tuées ou emportées par les loups dans le Jura vaudois, contre 28 en 2023. Cette année, une quinzaine. Presque moitié moins.
Que se passe-t-il? Le Canton se refuse pour l’heure à tout commentaire. Les défenseurs du loup estiment de leur côté voir davantage de mesures de protection s’accumuler: clôtures renforcées, veaux rentrés le soir, et même des ânes de protection. À l’alpage des Croisettes, Kim Berney, lui, relativise, soulignant que toutes les victimes ne sont peut-être pas connues. «Les loups sont plus actifs de l’autre côté, en direction du Marchairuz. Ils seront peut-être bien sur nous plus tard dans la saison», s’inquiète-t-il, suivant son troupeau par GPS, un nouveau projet mené avec la Kora. «Clairement l’avenir! Ça ne sauvera peut-être pas toutes les bêtes, mais ça permettra d’anticiper.»
Cadre légal plus souple
À l’autre bout du Jura, à La Trélasse (Saint-Cergue), Marc Ravenel a déjà perdu deux jeunes génisses, isolées par les loups en bord de clôture «Difficile à accepter. On fait du pastoralisme et on le fait bien, et au final on voit ça Franchement, ça décourage. Alors il y a moins de dégâts globalement, oui, mais le retour du loup reste une utopie. On veut quoi au final? Chacun à sa place et chacun sa part des choses.» Et de souligner que la baisse des prédations dans son secteur s’explique sans doute aussi par l’efficacité des tirs effectués sur la meute du Marchairuz en 2022.
De la meute du Mont-Tendre, deux louveteaux avaient déjà été abattus en septembre, puis un jeune mâle en janvier dernier. Ces nouveaux tirs interviennent dans un cadre légal de plus en plus souple, en évolution, et suivi de très près par le monde politique.
En l’état, la Direction générale de l’environnement précise cibler deux louveteaux en vertu des tirs «réactifs», qui permettent, depuis décembre 2023 et jusqu’en janvier 2025, de viser jusqu’à deux tiers d’une portée d’une meute directement durant la saison d’estive dès qu’un bovin est tué ou blessé.
Il ne s’agit pas des tirs «préventifs» mis en place par les services du conseiller fédéral Albert Rösti, qui permettent, entre septembre et janvier, de réguler une à plusieurs portées, voire des meutes entières afin de prévenir des dégâts à l’agriculture. Largement débattue, cette application anticipée de la loi sur la chasse avait été appliquée en Valais et dans les Grisons, pas dans le canton de Vaud.