Conseil des Etats – Il a été question de loups «secondos», de souris voraces et de la naissance de Rome. La louve en cheffe Leuthard a emporté le morceau.
Le loup rend fou. Et pas qu’à la pleine lune. Hier matin, il a fait rapidement tourner en bourrique à Berne la horde des élus chenus du Conseil des Etats. Tout cela à cause d’une motion du PDC valaisan Beat Rieder. Il demandait au Conseil fédéral de classer le loup dans les espèces pouvant être chassées toute l’année.
Les défenseurs lupins, avec Robert Cramer (Verts/GE) en chef de meute, hurlent rapidement à la mort. «Depuis six ans, il y a douze interventions dans ce Conseil en rapport avec le loup. C’est totalement excessif et déraisonnable. On se focalise sur les 100, 200, 300 moutons par année qui sont mangés par des loups. Or 4000, 5000, 8000 moutons meurent dans le même temps de maladie ou d’accident parce que les moutonniers ne s’en occupent pas assez.» Il s’emporte contre ce permis de tuer sans exception, qui toucherait même des femelles portantes. «C’est contraire au droit international et même à l’éthique des chasseurs.»
Beat Rieder (PDC/VS) souhaite qu’on laisse les émotions de côté et que l’on considère les faits. Quels sont-ils selon lui? «Depuis seize ans, le concept loup est inopérant. On gaspille des millions pour une protection idéalisée du loup. Celui-ci ne peut-être tiré qu’après une enquête, incluant des preuves ADN, et dans des conditions spatio-temporelles impossibles à remplir.» Résultat: aucun loup n’est abattu et le dernier qui est mort a été renversé par une voiture. Pendant ce temps, le nombre de loups passe de 20 à 40 et une troisième horde est en formation. Il y aura donc toujours plus de moutons tués, d’indemnités à payer et de paysans en colère.
«Hystérie» pour le loup
Le ton monte d’un cran avec Werner Hösli (UDC/GL) qui défouraille contre «l’hystérie» des pro- loups et la passivité de l’Administration fédérale qui ne fait rien, ou pire, se sert sur la bête pour augmenter ses postes et produire des concepts inefficaces.
Plus il avance, plus le débat devient passionné et légèrement surréaliste. «Imaginez que vous ayez des souris dans votre maison qui mangent les aliments dans les placards et à la cave. Vous n’allez pas prendre un chat pour protéger le fromage mais bien pour manger les souris!» assène Werner Hösli. «Votre exemple montre bien que vous voulez décimer les loups peu nombreux en Suisse», réplique Daniel Jositsch (PS/ZH).
Après les souris, on passe sans transition à la louve romaine éternelle. «Si votre motion avait été déposée il y a des siècles, Remus et Romulus n’auraient pas été allaités et Rome n’existerait pas», avance sans peur Roberto Zanetti (PS/SO). Beat Rieder riposte: «Si Rome n’avait pas été créée, Carthage n’aurait pas été détruite.»
Surgissent alors les «secondos»! Isidor Baumann (PDC/UR) ne parle pas des étrangers nés en Suisse mais de leurs homologues à quatre pattes. Avant d’abattre un loup, il faut savoir en effet si la bête est italienne ou si elle est déjà une seconda. Trop compliqué pour réguler l’espèce.
Doris Leuthard, louve en cheffe du Conseil fédéral, ramène un peu de raison dans le débat. Elle prévient que le clan des chasseurs s’expose à un gros problème. «Nous travaillons sur une amélioration du concept loup. Si vous acceptez la motion, je stoppe tout et on repart de zéro.» Elle estime préférable de trouver des solutions pragmatiques comme on l’a fait pour les dégâts des sangliers ou des cormorans. «Eh oui, le loup tue d’autres animaux. Mais c’est dans l’ordre de la nature.» (24 heures)