Un nombre croissant d’Autrichiennes choisissent de passer leur temps libre dans les taillis ou en battue dans les bois, arme à la main et chien au côté.
La pluie est drue et l’aube point à peine au coeur de la forêt. Perché sur un mirador, Walter Rienzner livre son jugement d’un murmure: les femmes chassent aussi bien que les hommes. Et même mieux, peut-être. «Elles respectent l’animal», assure ce presque quinquagénaire grisonnant au journaliste de l’AFP, intégré à un groupe largement féminin et autrichien parti traquer le gibier dans la Hongrie voisine.
Les femmes, à l’en croire, «font en sorte que la viande, la fourrure et la graisse ne soient pas gâchées. Et pour ce qui est de tirer, elles sont bien plus précises. Elles ne canardent pas à tout va.»
Pour l’image
Herbert, un maçon de 40 ans, chasseur comme son père, a vu les choses évoluer depuis une quinzaine d’années. Selon lui, il y aurait désormais 15 à 20% de femmes parmi les chasseurs autrichiens.
Comme beaucoup, il pense que les 11’000 chasseuses officiellement inscrites améliorent l’image de ce loisir dominé par les hommes. «Quand les femmes sont là, dit-il, les hommes parlent un peu mieux, on fait plus attention à ce que l’on dit.»
«Les femmes ont amélioré la chasse, elles l’ont rendue plus élégante», estime aussi Jörg Deutschmann, 49 ans, venu depuis l’Allemagne prélever sa part de cerfs et de sangliers hongrois. «Ça chahute moins après la chasse, ajoute-t-il, mais tous les chasseurs n’aiment pas cela, en particulier les plus vieux.»
Ramener de la nourriture
La passion de Petra Schneeweiss, 48 ans, l’a conduite à lancer le magazine «Die Jägerin» («La chasseresse»). D’après elle, les femmes courent moins que les hommes après les trophées. Leur objectif serait plus concret: ramener de la nourriture, et passer de bons moments au coeur de la nature. «Quand j’ai abattu quelque chose, j’ai besoin d’un moment de calme, confie-t-elle en tirant sur une cigarette. Je respecte ces animaux. Quand c’est simplement pan, pan, un par-ci, un par-là, ça ne me plaît pas.»
Petra, accoutrée de vêtements de chasse verts et informes, dit sa passion pour les vieilles traditions, comme celle qui consiste à placer un brin de végétation, «la dernière bouchée», dans la gueule de l’animal que l’on vient de tuer. «Le chasseur place aussi un brin sur son chapeau, à droite, explique-t-elle gravement. A gauche, c’est pour les cérémonies, par exemple l’enterrement d’un chasseur.»
Evelin Grubelnig, 38 ans, est l’épouse d’Herbert. Rencontrée l’arme à la main, arpentant précautionneusement un sentier boueux, elle dit avoir peiné à apprendre ces subtilités et bien d’autres. Cette enseignante jure qu’elle n’a jamais passé d’examen plus difficile que son permis de chasse. «On étudie les animaux, la forêt, l’écologie, les différents types de chiens, la balistique, la réglementation… Cela a pris un an.»
Viande «meilleure, plus saine»
A la chasse, il faut aussi de l’argent – un fusil coûte à lui seul quelque 5000 euros -, et surtout de la patience.
De ce week-end-là, les chasseurs n’ont ramené que de la boue accrochée à leurs bottes. Mais le jeu en vaut la chandelle, insiste Mme Grubelnig. La viande est meilleure, assène-t-elle, quand on l’a tuée soi-même. Elle est aussi plus saine, et la mort des animaux serait moins cruelle qu’à l’abattoir. Elle s’attache à tuer proprement, sans faire souffrir l’animal, pour lequel elle dit ne pas éprouver de pitié.
Reste un détail, soulevé par Ingrid, la soeur jumelle d’Evelin: «Il n’y a presque rien sur le marché pour habiller les femmes qui chassent.» Les chasseuses s’en sortent avec les plus petites tailles des vêtements pour hommes, mais le résultat, dit Ingrid, est décevant: «On a l’impression de porter un sac.»
(afp)