Faune et nature En Valais, les nouvelles «zones de tranquillité» font hurler les guides de montagne. Sur Vaud, on s’y prépare.
Les zones de tranquillité (ZT) portent mal leur nom, à en juger par les remous qu’elles suscitent chez les professionnels de la montagne. Pour préserver la faune et la flore, on connaissait les districts francs fédéraux, les réserves cantonales et les réserves d’oiseaux d’eau et migrateurs.
Depuis deux ans, les ZT ont été créées pour limiter la pression du freeride et des loisirs de montagne, des activités en augmentation exponentielle jusque dans les contrées les plus inaccessibles et préservées.
Selon le Leysenoud René Pavillard, ancien président des guides de montagne vaudois, «les ZT ont poussé un peu partout». Celles-ci font souvent office de compensation dans le cadre de projets touristiques. Elles peuvent être «recommandées», c’est-à-dire qu’elles en appellent à la responsabilité des usagers pour respecter les signalisations. D’autres, dites «contraignantes» ou «légalisées», sont carrément interdites d’accès et donnent lieu à des plaintes pénales et à des amendes d’ordre en cas d’infraction.
Plusieurs guides en ont fait les frais, avec des douloureuses à plusieurs centaines de francs.
Dans plusieurs cantons, les guides et le Club Alpin Suisse (CAS) sont montés au front. En Valais, ils ont même vu rouge: une action en justice est pendante au Tribunal fédéral au sujet de deux zones ( lire ci-contre). Dans le cas particulier, ils dénoncent une initiative «liberticide», dommageable aux professionnels de la montagne et décidée sans concertation avec eux.
«Conflit» pressenti sur Vaud
Sur Vaud, aucune ZT n’a encore été définie, là où le Vieux-Pays en compte 147, dont 13 contraignantes, et les Grisons 279, dont 238 contraignantes (décompte de novembre 2014). Cela risque toutefois d’être une autre musique dans une année: des ZT vaudoises sont en cours de planification.
Pour le Montreusien Alain Stuber, spécialiste de l’évaluation environnementale et guide de montagne lui-même, «le conflit semble programmé, mais tout est question de négociation et d’équilibre. Il convient de voir où il y a lieu de sanctuariser certaines zones et où laisser de l’espace pour moderniser l’activité touristique et de loisirs.»
«Nous avons jusqu’à fin 2015 pour présenter un projet et définir des ZT, explique Sébastien Sachot, conservateur vaudois de la faune. Nous arrivons tard par rapport à d’autres cantons, mais nous sommes dans les délais. Le décalage est dû à la masse de travail sur d’autres dossiers prioritaires et à des éléments de stratégie.»
Le vaste programme de planification touristique Alpes vaudoises 2020, sur lequel le Conseil d’Etat doit se prononcer ces jours, en est un.
«Nous saisissons aussi cette opportunité pour simplifier la carte des restrictions, ajoute Sébastien Sachot. Entre districts francs et réserves, c’est devenu un peu compliqué.» Des cartes mentionnant les ZT existent sur Internet. Celles de Swisstopo ne sont toutefois actualisées qu’à intervalles de plusieurs années. La version proposée sur les sites map.geo.admin.ch et www.zones-de-tranquillite.ch l’est tous les ans.
«Le droit d’être entendus»
Du côté des guides de montagne, la résistance s’organise. «Nous avons appelé tous nos membres à la vigilance dans leur secteur et à faire état de tout projet de ZT», explique le Vaudois Frédéric Jordan, président de l’Association romande des guides de montagne.
L’association suisse a, pour sa part, constitué une Commission d’accès libre à la montagne, qui a pour mission de s’inviter dans les discussions lors d’établissement d’un périmètre protégé. «Ce qui s’est passé en Valais est scandaleux! tonne son président, le Valaisan Pierre Mathey. On nous a par ailleurs promis une table ronde qui n’a jamais eu lieu.»
De son côté, le CAS appelle aussi au dialogue: «Nous ne sommes pas contre des ZT si elles sont délimitées de manière proportionnée et concertée, fait valoir Philippe Wäger, responsable Sport et Environnement au CAS (ndlr: ce dernier participe d’ailleurs à la campagne «Respecter c’est protéger», lire ci-contre). Les discussions sont certes toujours difficiles, mais, s’il y a concertation, le choix des délimitations sera plus efficace.»
Sébastien Sachot prend note et entrouvre la porte: «Notre groupe de travail comprend un membre de Pro Natura et un autre du CAS qui défend, à notre sens, les intérêts des guides. Mais, si un représentant d’une association de guides veut se joindre aux discussions, nous sommes ouverts à l’idée.»
(24 heures)