M25 aurait attaqué une dizaine de moutons en une semaine. «Les paysans ne protègent toujours pas leur troupeau», regrette le WWF.
S’enfonce-t-il dans les vallées du Tyrol autrichien ou va-t-il revenir ce week-end chasser dans les forêts de Vinadi, à l’extrême est des Grisons, au grand dam des éleveurs de moutons? L’ours de deux ans a passé moins d’une semaine en Suisse. Mais déjà, le plantigrade, prénommé M25 par les scientifiques italiens, est la cible des paysans locaux qui dénoncent «un désastre» et réclament «des mesures».
Arrivé d’Italie vendredi dernier, M25 aurait attaqué et tué deux moutons d’un éleveur de Brail (GR), dans la nuit de samedi à dimanche.
Puis il serait tranquillement remonté au sud-est de la région d’Inn en direction de la frontière autrichienne… détruisant au passage quelques ruches à Ramosch et tuant neuf autres bêtes de pâture à Tschlin, rapporte la presse locale et Blick, qui publie des photos de carcasses de moutons éventrés.
Le Service de la chasse et de la pêche des Grisons refuse, pour l’instant, de confirmer ces chiffres. Evitant de jeter de l’huile sur le feu de ce dossier hautement émotionnel, les gardes-faune se donnent jusqu’à lundi pour vérifier ces allégations.
Ils confirment simplement la venue de l’ours sur territoire helvétique, vendredi dernier, et son probable départ en Autriche cette semaine. L’émetteur que porte le plantigrade devrait permettre aux autorités – italiennes puis helvétiques – de connaître la suite de son périple.
«Puisqu’il a trouvé en Suisse des tas de moutons à attraper, il n’y a aucune raison qu’il ne revienne pas», reconnaissent tant le WWF que les éleveurs du coin. Au péril de sa vie? Le gourmand risque-t-il d’être abattu, comme ses prédécesseurs M13 et JJ13? «Cet ours doit être stoppé. Il ne peut décimer nos troupeaux», fustige Hans Graf, le paysan de Brail.
Le WWF a senti poindre la menace et s’est mobilisé pour protéger le prédateur – friand de brebis, mais aussi d’insectes, de baies, de champignons et de petits fruits – en lançant mardi une pétition «Viva M25». Une autre association, Groupe Loup Suisse, tente d’accroître son capital sympathie en lui trouvant un nom, par le biais d’une votation en ligne.
«Malheureusement, c’est souvent la pression politique qui signe l’arrêt de mort d’un ours», explique Joanna Schoenenberger, spécialiste des plantigrades au WWF. «Dans la loi, ce n’est pas le nombre de bêtes attaquées qui détermine sa survie. Mais son comportement, s’il s’approche trop des villages et qu’il ne craint plus la civilisation. M25 n’est pas un ours problématique: il a peur des humains et des chiens», rassure l’experte.
Et les troupeaux? «C’est une situation exceptionnelle. Dans cette région, les moutons broutent en liberté. Ils sont éparpillés dans la forêt, sans surveillance. Ils sont servis sur un plateau d’argent pour l’ours, qui est un prédateur opportuniste. D’habitude, à cette période, il se contente des cadavres de cervidés qui ont été emportés par des avalanches et qui réapparaissent à la fonte des neiges», précise-t-elle.
«Les paysans devraient mieux surveiller leurs troupeaux. La venue de l’ours n’est pas nouvelle: les premiers sont arrivés en 2005. Il y a également les renards, les corbeaux et les loups. Les éleveurs auraient avantage à réunir leurs bêtes et à les faire surveiller par un chien, par exemple. C’est évident qu’il est difficile de changer de système, que cela demande des efforts et un soutien des autorités, mais cette cohabitation est possible», assure Joanna Schoenenberger, prenant pour exemple les paysans italiens.
Une cinquante d’ours vivent dans la province du Trentin – patrie d’origine du jeune M25. «Les éleveurs savent qu’ils doivent protéger leur cheptel. Ils ont un rapport plus «responsable.» Et personne ne fait de scandale en Italie, si une brebis égarée dans la forêt se fait croquer, souligne la spécialiste des ours.
Le Temps